Destruction des monuments soviétiques en Pologne: une crise iconoclaste en Europe de l'Est ?
Le 9 septembre 2017, en Pologne, le gouvernement d’extrême droite a donné l’ordre aux autorités de la ville de Trzcianka d’entamer la destruction au bulldozer d’un monument aux morts datant de l’ère soviétique, commémorant la mort de 56 soldats soviétiques lors de la guerre contre les troupes germaniques qui mena à la libération de la Pologne, alors sous l’emprise du IIIème Reich. Cet acte fut déclencheur d’un retour de flamme du gouvernement Russe ; des accords bilatéraux passés entre les deux pays en 1992 et 1994 concernant la conservation des monuments commémoratif et historique furent violé. De plus, l’IPN – l’institut de commémoration national polonais – fut impliqué dans la destruction du monument. Cette erreur s’ajoute aux nombreuses plaintes concernant l’organisation, supposée étudier et archiver les anciens collaborateurs officiels du régime, parfois en vue d’engager des condamnations ; qui est accusé de pratiquer une politique anticommuniste en détruisant les éléments de mémoire du pays, sous l’influence directe du gouvernement.
Mais le cas de Trzcianka n’est pas un cas isolé. Il s’inscrit dans une politique du gouvernement qui invite les autorités régionales à lister les monuments reminiscents de l’époque soviétique, et de les détruire. C’est le président Andrzej Duda qui a signé la loi de « Decommunisation » qui, sous couvert de « lustrage » vise à détruire tout signe du communisme encore présent en Pologne. Ce fut le cas à Lancut, fin 2017, par exemple, avec une affaire extrêmement similaire. En conséquence, le ministère Russe des affaires étrangères a publié un communiqué dans lequel il dénonce sept monuments soviétiques détruit et quinze actes de vandalisme en Pologne.
La Pologne est bien loin de représenter le seul exemple de pays s’engageant dans une guerre contre les symboles du communisme. Des statues de personnages anciennement idolâtrés furent détruites peut après 1991, lors de la chute du bloc soviétique. A Moscou, déjà, une statue colossale de Felix Dzerzhinsky fut détachée de son socle et basculé par une foule gigantesque en 1991. La figure du fondateur du KGB couché sur le sol est encore une image forte en signification. L’Ukraine, pendant un temps, était considéré comme détentrice du record de statue de Lénine détruite. Ces destructions ont continué pendant longtemps, et encore aujourd’hui la liste est parfois étendue.
La Bulgarie à entreprit, au cours des années 90, de détruire certains bâtiments ; une statue à Sofia et le siège du parti communiste Bulgare, dont la destruction fut entravée si bien qu’aujourd’hui les bâtiments sont laissés à l’abandon, et pose de nombreux problèmes aux gouvernements. Le mausolée de George Dimitrov, bâtiment unique au monde, fut en revanche détruit, alors qu’aujourd’hui, de nombreux historiens de l’art, regrette qu’il n’ait été transformé en musée.
" Sept monuments soviétiques détruit et quinze actes de vandalisme en Pologne"
En effet, c’est là où toute la problématique réside. On assiste depuis les dernières décennies à ce que l’on pourrait considérer comme une crise iconoclaste envers les vestiges de l’U.R.S.S. éparpillé à travers l’Europe de l’Est, une région à peine rétablie du joug soviétique et de sa chute. La destruction encore ininterrompue de ces œuvres, symboles de la guerre froide, pose une question concernant le devoir de mémoire, le patrimoine et l’histoire de l’art de manière générale.
Le style du réalisme socialiste fut adopté par l’U.R.S.S. et les pays communistes autour du monde en tant que doctrine artistique unique. Il englobe la sculpture, l’architecture, la peinture, et autre. Il fut officiellement adopté comme forme d’art et doctrine au Congrès de l’Union des Écrivains soviétiques en 1934, là où le concept fut créé. Sous cette doctrine artistique furent créé la quasi-totalité de la production artistique de l’U.R.S.S. dédié au parti. La conservation de ces vestiges permettrait de garder une base importante en vue de l’étude de cette partie de l’histoire et de l’idéologie qui y régnait. De la même façon dont on conserve les bustes des sénateurs romains, où les cathédrales médiévales, qui furent à l’époque pensée dans une démarche similaire, c’est en prenant compte des œuvres non pas pour leur sens initiale, mais pour leur pertinence historique qu’elle se doivent d’être conservé.
Les courbes des statues représentant les ouvriers avec la peaux sur les os, les dirigeants aux épaules carrés, les bâtiments favorisant la vie commune au sein des banlieue ou bien les figures de paysans allégoriques sont commandés par le parti pour véhiculer un message et une imagerie aux citoyens, et sont d’intéressants objets pour des études passés, présentes ou futures.
Seulement, les pays concernés se trouvent encore touché par cette histoire récente, et la condition instable de la politique à tendance à fermer les yeux, voir encourager la destruction des statues et monuments, aux malheurs des historiens de l’art. Il est difficile, au sein de l’Europe, d’empêcher de telle dégradation.
Cette situation présente un paradoxe: des pays comme l’Ukraine ou la Pologne préfère détruire ces oeuvres, sous certains prétextes, pour enterrer une époque peu glorieuse dans leur histoire. Mais en privant la société de leur pertinence, on permet à des situations politiques similaires de se former: il est important de noter que la révolution bolchevique elle même commença par détruire les statues du Tsar. La problématique que l’on tente d’enterrer risque de pousser sous une nouvelle forme, car enterré profondément dans la terre. C’est un serpent qui se mord la queue.
Il semble qu’une meilleur considération de la part des instances internationales du patrimoine est un bon fondement pour intégrer une époque difficile dans l’histoire des pays d’Europe de l’Est, malgré la situation politique mitigé de la région. En prenant exemple sur la manière qu’a l’Allemagne d’aborder son propre passé.
En Bulgarie, le gouvernement a décidé, en réponse aux interdictions quant à la destruction de l’ancien siège du parti communiste, de construire un monument au mort à côté de la gigantesque structure soviétique. Cette décision fut apprécié par certains historiens, et semble être une alternative intéressante à la destruction.
-Renaud